L'inégalité technologique se réfère ici à la capacité à accéder à divers choses. D'une part nous avons les moyens de communication tels une connexion téléphonique pour accèder à Internet et d'autre part les objets et matériels technologiques pour profiter d'Internet mais également des avancées technologiques que propose la société du tout connecté.
L'incapacité a accéder à ces différents éléments de la "vie on line" et plus particulièrement à l'information numérique s'appelle l’"illectronisme". Une définition plus précise en est "la difficulté, voire l'incapacité, que rencontre une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d'un manque ou d'une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement.". [1]
L'illéctronisme est donc la non possession et la non maîtrise de connaissances de base et de savoirs faire en matière de technologie de l'information et de la communication, ainsi que les difficultés a en posséder et en maitriser les outils technologiques (objets connecté, Word Wide Web, etc.). C'est ce qui cause la fracture numérique.
L'illéctronisme, un effet secondaire de la modernité ? Frédéric BARDEAU - WikiStage YESS
En France, une enquête du CSA a mis en évidence que 57 % des plus de 70 ans ne sont pas à l’aise avec le numérique selon un article de Silver Economie.
Les personnes les plus âgées sont donc particulièrement touchées par l’illectronisme. Par ailleurs, pour 86 % des utilisateurs équipés d’un appareil numérique, 45 % ont des difficultés quotidiennes pour effectuer des recherches sur internet. [2]
Le problème à la fois d'accès à l'outils numérique mais également de sa maîtrise suffisante n'est pas réellement nouveau. En effet, depuis l'avènement d'Internet dans les années 2000, divers dispositifs publiques ou associatifs ont vus le jour pour pallier et tenter de résorber cette fracture numérique.
Territoires : l’inégalité devant internet persiste - FranceInfo - 12/13 National - France 3
[1] Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Illectronisme) [2] Rédaction SilverEco, "Illectronisme : 57 % des plus de 70 ans ne sont pas à l’aise avec le numérique", https://www.silvereco.fr/infographie-illectronisme-57-des-plus-de-70-ans-ne-sont-pas-a-laise-avec-le-numerique/31100566
Inclusion numérique
L'accès au monde numérique et la transmission des savoirs nécessaires à son utilisation s'appellent l'inclusion numérique ou e-inclusion. Défini comme "un processus qui vise à rendre le numérique accessible à chaque individu, et à lui transmettre les compétences numériques qui seront un levier de son inclusion, sociale et économique.". [1]
L'inclusion numérique se fonde sur le déployement de politiques et de stratégies qui visent à permettre à chaque citoyen d'avoir sa place dans la société de l'information. De plus : "Ces politiques doivent être développées en comprenant et mettant en articulation les nouvelles exclusions numériques et les usages des TIC pour favoriser l’inclusion. Cela peut se traduire à travers l'accès aux outils informatiques, l'éducation, la formation et les apprentissages, en visant l'autonomie des personnes.". [1]
L'inclusion numérique du citoyen nécessite : d'avoir un accès aux outils numériques et à internet, de savoir utiliser les outils numériques, d'avoir des compétences numériques avancées, de développer une utilisation à la fois critique, responsable, créative et productive des technologies numériques. [1]
Les enjeux de l'inclusion numérique sont tant sociaux qu'économiques. En effet : "Les enjeux du numérique dépassent à la fois ceux du simple accès et de l’utilisation élémentaire des outils numériques ; ils concernent plus largement la capacité à maîtriser les TIC en vue d’améliorer sa qualité de vie et sa participation aux différentes sphères de la société. Autrement dit, l’inclusion numérique n’est rien d’autre que l’inclusion sociale au sens où celle‐ci implique la capacité effective à exercer son rôle de citoyen actif et autonome dans une société où le numérique joue un rôle essentiel". [1]L'e-inclusion et la lutte contre l'illectronisme sont donc primordiales pour l'intégration des citoyens dans ce monde digital qui bientôt sera encore plus prégnant au travers des objets connectés, des outils de réalité virtuelle et de l'avènement de l'intelligence artificielle. Et, Emmanuelle Roux insiste sur cette notion et cette nécessité d'avoir ce qu'elle appelle la "culture numérique", car selon elle : "ce ne sont pas 20% mais bien 90% des Français qui sont « des illetrés numériques ».". [2] L'inclusion numérique est une nécessité vitale pour notre démocratie, et le constat du travail qu'il reste à faire pour que les citoyens soient armés face à ce monde numérique est édifiant. En effet, en matière de technologie numérique : "Depuis plus de vingt ans qu'elle oeuvre à la diffusion de la culture numérique, Emmanuelle Roux a pu constater à quel point l'illetrisme en la matière transcende les générations, les milieux sociaux et les secteurs professionnels.". [2]
[1] Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Inclusion_numérique) [2] Emmanuelle Roux,"Le numérique est politique plus que technologique", Usbek & Rica, https://podcasts.usbeketrica.com/article/le-numerique-est-politique-plus-que-technologique
Et ce n'est que le début !
Ce constat est d'autant plus inquiétant que se profile une nouvelle aire des technologies et des technologies de l'information et de la communication, l'aire de l'intelligence artificiel, de la cybernétique et le transhumanisme. Une nouvelle aire qui demandera aux citoyens encore plus d'effort pour y faire face.
IA, robots, transhumanisme.. que du bonheur ? avec Laurent Alexandre et Pascal Picq La Tribune Auvergne Rhône-Alpes
Pour certain, comme Laurent Alexandre, les évolutions qui sont déjà en cours actuellement au niveau technologique, alors que rappelons le pour Emmanuelle Roux le citoyen français est loin d'être un geek technophile américain, ne présagent rien d'autre que de nous conduire vers une véritable guerre contre ces avancées technologiques, et plus particulièrement contre l'intelligence artificielle, ainsi que contre le risque de dépassement qu'elle engendrera pour une partie de la population..Car pour Laurent Alexandre : "L'intelligence, c'est la clé de tous les pouvoirs, donc par définition l'intelligence va être un instrument de guerre, à l'échelle individuelle, entre les individus, à l'échelle des entreprises et des Etats (...)". [1]
La question de notre propre intelligence face à l'avènement de l'intelligence artificiel pose la question de la domination que celle-ci peut exercer à terme sur les individus et sur les peuples. En sachant que nous ne deviendrons pas tous philosophe et c'est tant mieux, car ce ne serait qu'une société eugéniste et élitiste à l'extrême sans plus le moindre choix d'être soi-même, mais qui ne serait plus qu'un idéal de supériorité ultime de l'espèce humaine. Que pouvons-nous faire face à ce prédictible dépassement de notre intelligence ?
Car comme nous le rappelle Laurent Alexandre : "D'un point de vue moral, je pense que dans la société hypercomplexe que nous sommes en train de créer avec l'IA, nous n'avons pas le droit d'avoir des naufragés du numérique complètement paumés, nous n'avons pas le droit de faire ce que dit Harari : des Dieux et desinutile s.". [1]
Or, toujours selon Laurent Alexandre, le système éducatif n'est pas adapté pour cette évolution qu'est de nous préparer à l'avènement de l'IA et l'emprise sur nos vies des empires technologiques, car : "L’absence de réaction de l'Europe, de notre système éducatif, a conduit où on est : un début d’apartheid intellectuel, les GAFA, les BATX qui prennent le pouvoir."[1]. Et de poursuivre :"Je suis le premier à dire que l'IA n’est pas un problème technologique, c'est un problème politique."[1]. Pour ce qui est de l'enseignement, il faudra une vision plus volontariste d'amoindrir les disparités en revalorisant les professions de professeurs, en donnant les meilleurs chances aux jeunes les moins favorisés, et "que les profs soient aussi bien payés qu'à Singapour, de manière à ce que les jeunes polytechniciens soient instituteurs. À Singapour, ils ont 10 points de QI de plus que nous, ils sont numéro 1 mondial dans le PISA, et ils gagnent deux fois plus que nous."[1]. Et pour Laurent Alexandre : "Le scénario le plus probable, c'est qu'on n’arrive pas à trouver une technologie qui réduise les inégalités intellectuelles, d'ici 2040-2050."[1].
La question que pose l'Intelligence Artificielle et notre capacité à ne pas en être des asservis sera un des problèmes majeurs des prochaines décennies. Intelligence Artificielle qui est développé par d'autres puissances, rappelons le, que l'Europe. Notre dépendance vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine va poser la question de notre capacité d'autonomie dans notre propre développement Européen et notre propre faculté à agir en tant qu'acteur économique et politique.
[1] Laurent Alexandre, "Laurent Alexandre : « Les élites ne veulent pas partager l'intelligence »", Usbek & Rica, https://usbeketrica.com/article/laurent-alexandre-elites-ne-veulent-pas-partager-intelligence
Plus qu'à s'augmenter !
L'augmentation annoncée des inégalités peut encore se faire observer aux travers des nouvelles avancées des neurosciences, et plus particulièrement des projets de connexion de cerveau aux ordinateurs ou encore de connexion de cerveau à cerveau développé par les multinationales américaines comme celle d'Elon Musk.
La communication de cerveau à cerveau est là. Comment nous l'avons fait.
En ce qui concerne l'augmentation de nos capacités cognitives, le projet Neuralink d'Elon Musk compte créer une interface homme-machine en connectant notre cerveau à une puce informatique.
Là encore, quid des inégalités que ce genre de projets va engendrer et des capacités (politique, économique, éducative) de notre société à y faire face, sachant que ce genre d'augmenation cérébrale via des implants cérébraux ne risque pas de se démocratiser de sitôt. Un forme d'apartheid intellectuel est donc en route. Et cette logique repose sur le paradigme que l'être humain doit être aussi performant que la machine en étant relié à elle. Nous ne sommes pas dans une logique de coopération entre l'homme et la machine intelligente, mais de concurrence homme-machine. Et le meilleur moyen de ne pas se faire dépasser est d'y être intégrer. A l'instar de la voiture autonome du même Elon Musk, il va falloir que l'on se visse sur le siège de la voiture, ou que l'on se greffe la volant dans le bras, de peur qu'elle ne parte en ballade sans nous.
Dans cette nouvelle logique de servitude technologique verront nous se développer d'autres formes d'inégalités que ne l'est déjà notre quasi illectronisme à son égard.
L'Association Française Transhumaniste tente de répondre à cette inquiétude de voir les inégalités s'exacerber.
Pour elle, les avancés high-tech ne seront pas réservées aux riches et ne peuvent faire que se démocratiser à l'image de ce qu'a fait le GSM ou le smartphone. Et donc : "Si une entreprise veut maximiser ses profits, elle n’a pas intérêt à se limiter à une petite niche de clients fortunés. Elle doit au contraire viser le public le plus large possible.". Et de nous faire observer que : "Notons que ce mécanisme d’effondrement des coûts est « bien, mais pas suffisant ». On peut également améliorer l’accès aux technologies de pointe en encourageant la recherche publique, qui produit des résultats accessibles à tous.". [1]
En ce qui concerne l'accès aux technologies, les transhumanistes sont donc optimistes quand à sa diffusion à grande échelle et son accessibilité financière pour le plus grand nombre, à l'instar de tous nos GSM, TV à écran plat, ordinateurs portables, et autres.
TransVision 2014 - David Wood, "Unequal access to technology: what can we learn from smartphones?" AFT Technoprog
Sur la question de savoir si ces technologies devraient être interdites, ce n'est pas en interdisant ces technologies qu'elles vont être évitées, au contraire : "De telles interdictions pourraient même être contre-productives. Si une technologie est interdite dans un pays donné, les personnes les plus aisées pourront toujours y avoir accès à l’étranger.". [1]
Les inégalités ne sont pas, en tant que telles, liées à la technologie, mais aux inégalités économiques préexistantes dans la société. Les technologies peuvent même être une source de réduction des inégalités : "Et des technologies de rupture comme internet peuvent justement être un facteur d’égalité : une personne pauvre a accès au même Internet qu’une personne riche.".[1]
[1] Alexandre, Porte-parole et vice-président de l'Association Française Transhumaniste, "Objections #3 : Transhumanisme et risques sociaux", https://transhumanistes.com/transhumanisme-et-risques-sociaux/
Une solution ? Non un concurrent !
Dans notre société néolibérale, nous concevons les évolutions technologiques comme une concurrence qui va nous obliger à nous augmenter, nous muter, sous peine qu'elles ne nous dépassent complètement et qu'elles ne dépassent surtout les travailleurs : "Mais la technologie elle-même n’est pas intrinsèquement liée à un modèle économique en particulier.". [1] Et, les transhumanistes d'ajouter que : "Or, un niveau technologique avancé est tout à fait compatible avec d’autres systèmes économiques, et même avec une certaine forme de décroissance.". En effet : "Le transhumanisme représente justement une opportunité de réduire notre consommation de ressources et d’énergie, tout en augmentant notre qualité de vie. Le découplage entre l’augmentation du bien-être matériel et la consommation de ressources, largement insuffisant aujourd’hui, est une urgence écologique majeure." par exemple avec la production de viande artificielle. [2]
Toute cette approche technologique basée sur une forme de compétition avec la machine dans la résolution de tous nos problèmes est qualifié de "solutionnisme". Cette notion de solutionnisme technologique, développée par Evgeny Morozov, tend à expliquer "comment chaque problème humain (politique, social, sociétal) est systématiquement transformé en question technique puis adressé par les acteurs du numérique privés ou les États avec des solutions numériques traitant les effets des problèmes sans jamais s’intéresser à leurs causes". [3]
L'augmentation des capacités des travailleurs, des policiers, des militaires encadrés par des décisions algorithmiques de nos politiques et du management de datacenter, toutes ces avancées ne font que : "Laisser au bon soin des algorithmes tous les aspects de l’existence revient à abandonner d’autres considérations économiques, sociologiques et politiques influant sur la prise de décision au seul bénéfice de la technologie.". [4]
Notre modèle passe donc de l'aide à la décision et l'allégement du travail à un modèle de la prise de décision et de la réalisation du travail. On passe du modèle coopératif au modèle concurrentiel entre l'homme et la machine intelligente. Et la Silicon Valley ne fait que vouloir nous vendre le meilleur travailleur et le meilleur décideur ! Ce qui n'apporte aucune réponse en matière de cause, arrêter les délinquants avant qu'ils ne passent à l'acte ne répond pas à la question de savoir pourquoi sommes-nous dans une société plus délinquante et comme y remédier. De même que remplacer un travailleur par une intelligence artificielle ne pose pas la question de savoir si les profits de l'entreprise ne devraient pas être répartis différemment. Mais, "ce leurre" solutionniste met en concurrence le policier (plus forcement nécessaire) et le travailleur (jamais assez compétent). Ne nous trompons donc pas d'objectif face à la technologie, elle doit nous aider à résoudre les causes de nos problèmes et pas uniquement nous remplacer dans l'application d'une solution prédéfinie.Et Françoise Laugée de nous rappeler que : "Les questions d’intérêt général (la santé, les transports, l’énergie, la sécurité, l’éducation, l’information…) appellent en priorité une réponse politique, collective, non lucrative, au lieu d’une solution technologique, individuelle et rentable.".[4]
[1] Alexandre, Porte-parole et vice-président de l'Association Française Transhumaniste, "Objections #3 : Transhumanisme et risques sociaux", https://transhumanistes.com/transhumanisme-et-risques-sociaux/ [2] Alexandre, "Objections #2 : Transhumanisme et risques environnementaux", https://transhumanistes.com/risques-environnementaux/ [3] Wikipédia, "Evgeny Morozov", https://fr.wikipedia.org/wiki/Evgeny_Morozov [4] Françoise Laugée, "Solutionnisme", La revue européenne des médias et du numérique,https://la-rem.eu/2015/04/solutionnisme/
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