Les robots sociaux humanoïdes arrivent, petits personnages aux traits amicaux, saluant et souriant qui se souviennent de leurs interlocuteurs et des conversations qu'ils ont partagés ensemble, qui expriment du contentement ou de la tristesse.
Ces nouvelles formes de compagnie font leurs entrées dans diverses institutions telles que les maisons de retraite ou les hôpitaux. Des lieux dans lesquels les rapports humains ont une grande importance, ainsi que les aspects émotionnels et affectifs.
Des robots (vraiment) sociaux ? Universcience et l'AJSPI - 2017
Les premiers retours d'expérience (voir vidéo supra) nous font constater que les personnes, notamment âgées ou les jeunes enfants, établissent des relations d'ampathie avec les robots. Les robots ne sont pas considérés comme de simple machine un peu plus sophistiquées que d'autres, mais il s'établi un vrai échange affectif et émotionnel avec eux. Ces interactions peuvent poser certains problèmes liés à un sur-investissement affectif ou émotionnel car elles sont chargées d'affects.
Selon une étude présentée au congrès annuel de l'International Communication Association, les sujets ont eu "des réactions cérébrales similaires quand ils voient des images d'affection ou de violence envers des robots ou des humains" [1].
D'autres études, donc celles menées par l'équipe d'Astrid Rosenthal-von der Putten ont mis en évidence les mêmes effets, à savoir que "les participants présentaient une activation neurale similaire dans les cas de traitements affectueux envers l'humain ou le robot (..)" [1].
Bien que certains chercheurs se posent la question de savoir si il faut ajouter des capacités d'empathie aux robots (voir vidéo supra), la recherche actuelle en matière de robotique va dans le sens de donner aux robots, envisagés comme de véritables compagnons pour les personnes, des facultés d'établir des relations de longue durée, et de chercher "l'élaboration et l'implantation de capacités d'apparence humaine dans ces derniers, telles que la théorie de l'esprit, l'émotion et l'empathie." [1].
Les robots sociaux sont des robots qui n'ont pas vraiment de fonction précise autre que de simuler des comportements sociaux. Bien qu'ils peuvent servir à accomplir de petites tâches telles qu'apporter un objet ou autre, les robots sociaux n'ont pas vraiment d'utilité à la base. Mais alors pourquoi fabriquer des robots sociaux ? Une réponse pourrait être que "nous avons affaire à une forme de déterminisme technologique : tout développement technique conduirait inexorablement à la création d’êtres robotiques imitant leurs concepteurs (mais sincèrement, je ne crois pas)." [2].
Mais juste croire que créer des robots n'est qu'une histoire de scientifiques un peu trop narcissiques serait oublier que les robots sociaux sont des produits, et que nous vivons dans une économie de marché, comme le souligne Julien De Sanctis, '"nous créons des robots pour asseoir un système économique qui exploite les affects", et que les robots pourraient être "un « cheval de Troie émotionnel », un programme connaissant notre humeur en temps réel, peut-être capable de l’influencer pour notre plus grand bien – ou pour nous vendre une nouvelle paire de chaussures." [2].
Les risques de dérives ne sont donc pas à négliger, comme la manipulation des affects comme nous venons de l'expliquer, et les nombreuses questions éthiques auquelles il faudra trouver des réponses.
L'évolution des recherches va dans le sens de donner à ces robots sociaux des fonctions un peu plus complexes pour nous assiter dans notre quotidien, pour en faire de vrai majordome, voir des amis. A ce titre, les robots sociaux ne vont pas manquer d'intéresser les psychiatres, car : "Comment s’assurer que nous ne finirons pas par les préférer à nos semblables ? Après tout, les robots ne râlent pas, ils sont dociles, obéissants, disponibles." [3].
Cette évolution vers des robots plus empathiques et bienveillants ne doit pas nous faire oublier que "l’empathie est une arme à double tranchant car elle peut être instrumentalisée (...)". Qui plus est, on donne à l'empathie "une caractéristique pleinement humaine (ce qui est faux, puisque beaucoup d’animaux en sont dotés) (...)" [2].
Par ailleurs, un robot social qui réagirait "mécaniquement" à nos états émotionnels pourrait assez vite nous lasser car : "Nous ne sommes pas des machines cybernétiques : nous n’avons pas toujours besoin d’être consolés lorsque nous sommes tristes ni apaisés lorsque nous sommes en colère ou rassurés quand nous avons peur." [2].
[1] Psychomédia, "Les gens réagissent émotionnellement à des robots", http://www.psychomedia.qc.ca/emotions/2013-04-24/reactions-humaines-aux-robots [2] Julien De Sanctis in "Robots sociaux, nouveaux chevaux de Troie émotionnels ?", Mais où va le Web ?, http://maisouvaleweb.fr/robots-sociaux-nouveaux-chevaux-de-troie-emotionnels/ [3] Serge Tisseron in "Robots sociaux, nouveaux chevaux de Troie émotionnels ?", Mais où va le Web ?, http://maisouvaleweb.fr/robots-sociaux-nouveaux-chevaux-de-troie-emotionnels/
D'amour physique
Apres les robots sociaux qui risquent de nous poser quelques problèmes d'empathie en étant trop intéressés ou un peu trop systématiques, une autre forme de rapports émotionnel et affectif auquels nous seront peu être confrontés est de prendre un robot comme partenaire sexuel et sentimental.
Les robots sexuels sont d'un assez grand réalisme et capable d'intéractions intelligentes avec leurs partenaires. L'interactivité couplé aux jolies formes de silicone font espérer à cette industrie un développement important dans les prochaines années.
Uncanny Lover: Building a Sex Robot | Robotica | The New York Times
Cette arrivée dans nos vies sexuelles et sentimentales pose question sur les relations intimes entre humains et machines et est plus particulièrement étudiéé par une nouvelle discipline qu'est l'érorobotique.
"Le terme érobot caractérise tous les agents érotiques artificiels virtuels, incorporés et augmentés, ainsi que les technologies qui les produisent. Cette définition inclut, sans s’y limiter, les prototypes de robots sexuels, les personnages érotiques virtuels ou augmentés, les applications de partenaires artificiels ainsi que les agents conversationnels (chatbots) érotiques." [1].
Les robots sexuels ne sont donc pas la seule évolution en matiére de digitalisation des rapports sexuels, s'y ajoutent les agents conversationnels, de la réalité virtuelle (RV), de la réalité augmentée (RA), etc., les érobots, qui se retrouveront tant dans notre lit que nos téléphones, jeux vidéos et autres dispositifs d'interactions. Notre conception de ce qu'est tomber amoureux ou avoir des relations sexuelles risque donc de s'en voir changée, voir révolutionnée.
Cette probable révolution a donc conduit les scientifiques à créer cette nouvelle discipline qu'est l'érobotique. C'est un domaine de recherche transdisciplinaire qui travaille sur les interactions que nous avons avec les agents érotiques artificiels et en particulier "sur les aspects sociaux, relationnels et agentiels des agents artificiels et le fait que nous les traitons de plus en plus comme des acteurs sociaux à part entière." [1].
Les questions auquelles devra répondre cette nouvelle discipline qu'est l’érobotique sont nombreuses, tant en ce qui concerne nos propres relations avec les robots sexuels et autres agents artificiels, que leurs effets sur nos esprits et comportements sexuels, ainsi que les effets qu'ils auront sur nos normes sociales ou encore le genre de réglementation que ces évolutions technologies vont nécessiter et les aspects éthique que ces évolutions vont poser.
Les applications des robots sexuels ne se limiteront pas à notre simple plaisir de consommateurs ordinaires, mais pourront également trouver une place dans l'éducation sexuelle ou dans diverses formes de thérapies. En effet, "Les érobots pourraient également être utilisés en contextes médicaux ou thérapeutiques afin de traiter les peurs et les anxiétés liées à l'intimité ou même afin d’aider les victimes de traumatismes à retrouver l’autonomie sur leur corps et leur sexualité." [1].
Mais l'arrivée de tous ces érobots et robots sexuels va également nous poser des questions morales dans une relation à un objet qui n'éprouve aucun plaisir et qui ne va que dans un sens. Et Laurence Devillers de nous rappeler que "L’utilisateur peut s’attacher à son robot, peut la trouver drôle, malicieuse ou penser que c’est un terriblement bon coup au lit. Mais dans tous les cas, ces partenaires en silicone n’éprouvent rien de tout cela.". et de poursuivre : "On peut en tout cas dire que c’est une forme de fétichisme, comme il en existe d’autres. Et dans tous les cas, on ne peut pas aller contre le fétichisme." [2].
Les questions éthiques sur le rapport et l'image de la femme objectivée à outrance sont flagrantes, car : "Il est absolument évident que créer une représentation pornographique du corps de la femme, et en faire une machine sexuelle capable de se mouvoir, objective et transforme en produit le corps des femmes." [2].
Sans oublier, d'autres questions éthiques comme la commercialisation de poupées infantiles à destination des pédophiles ou la possible banalisation du viol. Et d'aucuns de vouloir imposer des contraintes éthiques aux industriels, "afin que leur gamme de robots sexuels respecte un certain cadre moral." car face à la commercialisation de ces robots, il ne reste déjà plus que l'éducation à leur utilisation pour agir, et Laurence Devillers de nous rappeler que : "L’homme est un animal social qui projette ses affects, ses manques. Il faut être vigilant et prévenir les personnes fragiles de ces manipulations" [2].
Des comportements nocifs liés notamment au consentement qui dépasseront le cadre de la vie sexuelle et entreront dans les relations humaines des utilisateurs pourraient donc se développer chez les utilisateurs de robots sexuels. En effet, car : "Des actes de violence contre des robots sexuels ont même été observés au cours des dernières années. Il s'agissait notamment de décapitation, de mutilation et d'agressions. Pour les individus enclins à agir de la sorte, la disponibilité d'un robot à violer pourrait exacerber ces comportements." [3].
De plus, "le fait qu'une relation sexuelle réelle est beaucoup plus immersive que le fait de regarder de la pornographie, la possibilité que des comportements agressifs se transposent dans la réalité est inquiétante." [3].
Il sera donc nécessaire de se préoccuper des questions des droits des robots, qui jusqu'à présent en sont dépourvus. La reconnaissance des robots est d'ailleurs débatue au Parlement européen afin de créer "une catégorie de personne électronique pour garantir les droits des systèmes d'IA les plus performants. Ce statut serait semblable à celui de personne morale, qui est la notion juridique qui permet à une société de jouir de certains des droits qui sont généralement accordés aux êtres humains." [3].
[1] Simon Dubé, Dave Anctil, "Au-delà des robots sexuels: l’érobotique explore l'interaction humain-machine érotique", The Conversation, https://theconversation.com/au-dela-des-robots-sexuels-lerobotique-explore-linteraction-humain-machine-erotique-120190 [2] Coralie Lemke, "Coucher avec un robot, est-ce tromper ?", Numerama, https://www.numerama.com/tech/466027-coucher-avec-un-robot-est-ce-tromper.html [3] Judy Illes,Farhad R. Udwadia, "Les robots sexuels pourraient faire augmenter la violence faite aux femmes", The Conversation, http://theconversation.com/les-robots-sexuels-pourraient-faire-augmenter-la-violence-faite-aux-femmes-122592
Et d'argent
Le marché robots sexuels est en plein développement et il est évalué à 30 milliars de dollar US. Dans les prochaines années, ce marché devrait donc exploser [1].
Mais certains sont plus septiques sur l'avenir des robots sexuels. Ce marché pourrait n'être qu'un effet d'annonce et ne rester qu'un marché de niche. C'est notamment l'avis de Kate Devlin, chercheuse en informatique spécialisée dans les interactions homme-machine au King’s College de Londres, pour qui "le business des robots sexuels n’est pas « en plein boom », et ceux-ci ne vont pas « changer nos vies » et remplacer les humains." [2].
Kate Devlin s'appuie sur le fait que les développements des robots sexuels sont moins aboutis qu'on ne nous le fait croire car pour elle : "Ce qui se rapproche le plus de la base de clients potentiels, ce sont les propriétaires de poupées sexuelles. C’est une communauté assez petite, donc je ne vois pas la tendance décoller et dominer la société. Cela restera une niche" [2].
Mais d'autres sont plus optimiste comme la Foundation for Responsible Robotics qui cite plusieurs sondages "estimant qu’environ deux tiers des hommes sont en faveur d’une utilisation des robots sexuels, contre 30 % des femmes (...)." [2]. Le marché des robots sexuels représente un manne financière non négligable et les progrès techniques et notamment en intelligence artificiels n'en sont qu'à leurs débuts. Il reste donc à voir comment les consommateurs vont réagir face à cette nouveauté, mais également comment notre société va parvenir à encadrer celle-ci en matière de respect de l'image des femmes comme des hommes, de dérives sexuelles et des questions éthiques ou encore de respect du robots et de leur place dans nos sociétés futures.
[1] Judy Illes, Farhad R. Udwadia, "Les robots sexuels pourraient faire augmenter la violence faite aux femmes", The Conversation, http://theconversation.com/les-robots-sexuels-pourraient-faire-augmenter-la-violence-faite-aux-femmes-122592 [2] Annabelle Laurent, "Pourquoi les robots sexuels ne seront jamais grand public", Usbek & Rica, https://usbeketrica.com/article/pourquoi-les-robots-sexuels-ne-seront-jamais-grand-public
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