Dans notre société néolibérale, quelle est la place de la vie privée.
La conception de l'individu dans notre société néolibérale est d'être "une sorte d’atome de l’organisation sociale, une réalité à la fois première et dernière, à partir de laquelle se construit tout l’édifice social." assujetti par le capitalisme, et devant se comporter comme "des sujets au sens d’êtres autonomes, capables de penser, de décider et d’agir par eux-mêmes, en fonction de leurs seules déterminations, de leurs seuls intérêts propres." [1].
L'individu, revêt dans la représentation néolibérale, plusieurs caractéristiques. En effet, il est représenté comme :
"sujet économique (propriétaire privé de sa personne et de ses biens), comme sujet juridique (titulaire de droits personnels inaliénables sur la base desquels il noue des rapports contractuels avec les autres individus et la société dans son ensemble), comme sujet éthique (doté d’une dignité qui doit être respectée par les autres, de même qu’il se doit de respecter la dignité des autres), comme sujet politique (citoyen disposant du droit de concourir à la formation de la loi commune et tenu à l’obligation de s’y soumettre) et enfin, comme sujet philosophique, c’est-à-dire être rationnel, selon Emmanuel Kant." [1].
Le socle fondamental au discours de légitimation du néolibéralisme se base sur les notions de propriété (privée), de liberté (individuelle) et d‘égalité (formelle). La liberté collective n'y est autre que la limitation de l'infinie liberté individuelle, et l'égalité n'est que l’égalité juridique et civique, en faisant fi des inégalités en termes de savoir, de pouvoir et d’avoir.
Le néolibéralisme pense la société comme une entité globale et de façon utilitariste où "la société est d’abord et avant tout un marché, une zone d’échanges au sein de laquelle les individus peuvent et doivent valoriser leur capital (...), en exigeant de chacun qu’il se transforme en entrepreneur de soi-même." [1].
Dans cette société, l'individu n'a d'autre choix, d'autre "liberté" que de s'adapté. En effet, "« Il faut s’adapter » dans un monde en perpétuelle « évolution », un environnement en pleine « mutation », où la « compétition » fait rage." [1].
Et ma vie privée dans tout cela ? Ben, libre à vous de la protéger, en défendant votre droit inaliénable à en avoir une avec votre inégalité de savoir, de pouvoir et d'avoir , dans une société basée sur le respect de la dignité individuelle et l'égalité devant la loi !
[1] Franck Juguet, "Du néolibéralisme comme représentation du monde", https://cybernetique.hypotheses.org/1490
Vie privée
La vie privée est définie comme : "la capacité, pour une personne ou pour un groupe de personnes, de s'isoler afin de protéger son bien-être." [1].
Cette capacité à s'isoler pour se protéger dépend de soi-même et de la société. Ai-je les moyens financiers pour m'offrir une villa avec grand jardin ou pas, et la société fait-t-elle en sorte que l'épaisseur des murs dans mon HLM soit suffisante pour que je ne doive pas supporter les conversation du voisin ?
La vie privée ne se limite pas à l'anonymat ou l'isolement. Elle se réfère aussi à des sentiments personnels, des traditions sociales, des coutumes, et comporte donc à la fois un caractère collectif et culturel, et un caractère personnel. La conception de ce qu'est la vie privée peut varier donc d'un pays à l'autre, d'une culture à l'autre.
De plus, la notion de vie privée s'oppose à celle d'état civil, car : "Par exemple, si le fait d'avoir un amant ou une maîtresse relève de la vie privée, celui d'avoir des enfants relève de l'état civil." [1].
La Constitution est la première garante de notre vie privée, mais les lois peuvent en limiter la portée, par exemple pour des nécessités administratives de connaitre des informations personnelles d'un contribuable.
Pour Aristote, le concept de vie privée différencie deux aspects de la vie : "la vie imbriquée dans la sphère publique appelée polis et associée à la politique, opposée à la vie relative à la sphère privée, l'oikos, associée à la vie domestique.". Plus près de nous, en 1890, deux avocats de Boston, Samuel Warren et Louis Brandeis définissent le concept de vie privée "par l'expression, restée célèbre, du « droit d'être laissé tranquille » (the right to be let alone)" [1].
Ce droit à "être laissé tranquille" est attaché à la personne humaine dans la Convention européenne des droits de l'homme comme un droit individuel.
Internet, le World Wilde Web, les réseaux sociaux sont autant de risques de voir se réduire notre vie privée et diminuer la possibilité que nous avons de pouvoir la conserver. Spam, profils sur les sites, photos de vacances sur les réseaux sociaux, opinions idéologiques et philosophiques exprimées sur les forums de discussion, sont autant de situations dans lesquelles nous n'avons que peu de maîtrise sur ce que ces informations vont devenir et par là même à quel point notre vie privée pourra en être affectée.
La technologie et Internet peuvent être perçus comme une source d'intrusions dans notre vie privée ou comme une opportunité, en s'y protégeant, de la partager. Ce qui pose donc problème sur Internet, c'est de trouver pour sa vie privée un équilibre entre ses propres libertés et sa propre sécurité. En effet, car deux types de données concernant la vie privée sont à distinguées sur Internet : "les données confiées par les internautes aux services utilisés. Exemple : lors d’une inscription à un réseau social. Ensuite, les données collectées à notre insu par des services." [1].
Les dérives en matière de vie privée sur Internet et le World Wide Web commencent à être légion. Cela va du piratage de compte de réseaux sociaux, aux patrons scruteurs de ses employés, en passant par l'espionnage des compagnies d'assurances, ou encore le harcèlement sur Internet, etc.
Rappelons donc que : "Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.". (Art. 12, Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948).
Des solutions techniques existent afin de minimiser sa présence sur Internet telles que le VPN :
Le VPN, la protection ultime ? - Monsieur Bidouille
Les deux aspects qui sont développés pour protéger la vie privée sur Internet sont d'une part un travail législatif, avec des législations telles que la loi informatique et libertés ou la RGPD, et d'autre part des moyens techniques, avec la cryptographie des connexions Internet et des sites Web.
Les informations qui sont définies comme personnelles sont des données d'identifications, des données liés à un individu identifiable (état civil, adresse IP, identifiants, courriel, téléphone, etc.) et les données qui y sont reliées tels que les profils, préférences, contenus de discussion, historiques de navigation, etc. [2]
Quand aux informations recueillies, elles font l'objet d'une attention particulière sur celui qui les détient et l'usage qui en est fait. Les utilisateurs ont la possibilité de savoir ce qui en est fait et par qui, et le cas échéant de les modifier. Voir à ce titre la Directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles de l'Union européenne qui vise à harmoniser les normes des différents États-membres en matière de protection des données personnelles, si ce n'est pour certaines motifs, comme énoncés au Chapitre I, Article 3, §2 :
"La présente directive ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel:
- mis en oeuvre pour l'exercice d'activités qui ne relèvent pas du champ d'application du droit communautaire, telles que celles prévues aux titres V et VI du traité sur l'Union européenne, et, en tout état de cause, aux traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l'État (y compris le bien-être économique de l'État lorsque ces traitements sont liés à des questions de sûreté de l'État) et les activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal, - effectué par une personne physique pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles ou domestiques. ".(Chapitre I, Article 3, §2 : Directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles)
Fabrice Rochelandet, définit les données personnelles comme des biens :
"Informationnels : (...) il y a échange d’informations entre deux parties, conservées par l’une d’elles.
Durables : (...) perdurent dans le temps, car elles sont numérisées et peuvent être reproduites à l’infini.
Périssables : (...) les informations sur un individu peuvent changer et évoluer (...).
Non-rivaux : (...) un acteur possédant des données a la possibilité de les revendre, de les louer, à plusieurs autres acteurs simultanément et continu de jouir de la possession de ces données.(...)" [2].
Cette définition en tant que bien des données personnelles nous conduit donc vers leurs aspects et leurs valeurs économique.
Cette économie est définie par Michel Gensollen comme étant l'économie quaternaire car "contrairement à l’économie primaire (l’agriculture), l’économie secondaire (secteur industriel), ou encore l’économie tertiaire (les services), l’économie d’information n’est pas centrée sur un secteur particulier." [2].
Les biens, les données personnelles, émergent dans cette économie par la circulation entre les producteurs et les consommateurs. En effet : "Une partie des données (des biens) est produite par les individus eux-mêmes lorsqu’ils remplissent les champs d’information présents sur les sites et réseaux internet. Toutefois les individus ne sont pas les seuls à produire des données personnelles. A l’heure des objets connectés, les robots et les machines récoltent également des données de manière informelle et ont la capacité grâce à de puissants algorithmes de produire de nouvelles données, ce que les spécialistes appellent plus globalement les techniques de Data mining (Exploration des données)." [2].
Un pays comme la Chine a très bien compris cette notion économique des données personnelles sur Internet, et outre sa politique sécuritaire qui risque d'entremêler police et économie, elle s'apprète à proposer une parfaite combinaison des deux, à savoir l'économie et la sécurité.
La Chine va proposer un nouveau protocole Internet en remplacement du TCP/IP baptisé New IP plus adapté au monde des objets connectés qui se profile. Ce nouveau standard permettra"d'isoler une adresse IP du réseau, afin qu'elle ne puisse plus envoyer ou recevoir de données. Un moyen simple et efficace de réduire des activistes au silence. De plus, les paquets échangés seraient liés à l'identité de l'utilisateur, éliminant de fait tout anonymat sur le Web." [3].
Outre le fait qu'il vaudra mieux ne pas être un discident en Chine, la désanonymisation des échanges permettra aussi de faire plus facilement de l'économie. En effet, comme les autorités, et d'autres, vont savoir qui envoi des mails ou surf sur un site Web, il risque d'être plus facile de trouver des cibles à des actions commerciales, ou de se faire pirater, ou spammer, etc.
Une logique de "SECURITAIRE = COMMECIALEMENT RENTABLE" est donc en marche et risque de ne pas s'arrêter à la Chine.
[1] Wikipédia, "Vie_privée", https://fr.wikipedia.org/wiki/Vie_privée [2] Wikipédia, "Vie privée et informatique", https://fr.wikipedia.org/wiki/Vie_privée_et_informatique [3] Edward Back, "New IP : la Chine veut intégrer la censure dans les fondations d’Internet ", https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/internet-new-ip-chine-veut-integrer-censure-fondations-internet-80355/
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