L'ingérence numérique est un nouveau phénomène qui a déjà pu être observé lors de récentes élections présidentielles. Des pays comme les Etat-Unis, la Russie, la Chine, l'Iran ont déjà été impliqués dans des manoeuvres de déstabilisation de processus électoraux en 2016 [1].
Les stratégies utilisées sont notamment : "les campagnes de manipulation de l’opinion sur les réseaux sociaux et les opérations de désinformation, ainsi que les cyberattaques contre les infrastructures locales et étatiques." [1].
Ces campagnes et sabotages ont pour objectif de remettre en cause le système électoral du pays démocratique cible et de favoriser un candidat par rapport à un autre.
Ainsi : "Entre 2007 et 2017, près de quarante pays auraient vu leur processus électoral faire l’objet d’une perturbation par des cyber-capacités ennemies[...]. À la hausse et ciblant désormais davantage les électeurs que les infrastructures[...], afin d’influencer leur vote, cette dynamique s’expliquerait par la démocratisation des cyber-capacités, l’utilisation accrue des réseaux sociaux et les difficultés d’identification, d’attribution et donc de sanction des auteurs[...].Une déstabilisation par voie numérique suppose la conduite de plusieurs types d’opérations pouvant viser l’ensemble des étapes et volets d’une élection (composition de listes électorales, organisation de la campagne, modalités de centralisation et décompte des résultats, etc.[...]) " [1].
Ces cyber-attaques se concentrent sur deux axes : la déstabilisation de l’encadrement et de l’organisation d’un processus électoral et la manipulation de l'opinion des électeurs cibles [1].
Les objectifs de déstabilisation du processus électoral sont d'affaiblir la confiance dans les institutions et dans le système démocratique, ainsi que de semer la confusion et le doute chez les électeurs mais aussi d'entamer la crédibilité des autorités et leur capacité d'organiser une élection, ou encore de retarder l’issue du scrutin ou sa légitimité.
Les techniques et les cibles de cyber-attaques sont variées, allant du piratage des sites Internet des partis ou des instutitions, au piratage de la collecte des données de votes et de ses résultats, en passant par les attaques des infrastructures critiques permettant l'organisation des élections (fournisseur électrique, ...) [1].
La manipulation de l'opinion des électeurs se fait, quand à elle, en utilisant divers outils et repose sur : "la captologie, c’est-à-dire sur l’étude de l’influence de l’informatique et des technologies numériques sur l’attitude et le comportement des individus." [1].
Ainsi, les « fake news » sont largement utilisées pour introduire des rumeurs et de la désinformation dans les débats qui sont volontairement exagérés ou biaisés [2].
L'info en deux minutes: le doxing, ou la vengeance en ligne - Pampa Mag
Les réseaux sociaux sont la cible de manipulation de "la perception que porte une population sur la situation politique du pays concerné afin d’orienter son vote." [1].
La perception de l’information par le lecteur dépend de son schéma de pensée, de la façon dont il la comprend, et est donc subjective. De plus, une information est sujette à des choix, un choix éditorial pour le média, un choix du sujet et de la façon dont il sera traité.
Les biais qui influencent la perception de l'information par le public peuvent être [2] :
Effet de vérité illusoire : dû à la répétition d'une information qui la rend familière et la rend plus facilement véridique.
Biais de corrélation illusoire : en établissant des liens de causalité entre deux faits qui n'ont par de liens entre eux.
Effet de renforcement: par la contradiction entre deux informations, on renforce les convitions de véracité de la première. Le démenti devient la preuve que c'était vrai.
Hostile media effect : en s'attaquant aux convictions du lecteur, il percevra l'information comme hostile à son égard.
Biais de confirmation: le lecteur privilégie les informations qui le conforte dans ses positions.
A ces effets s'ajoute le fait que le lecteur n'est pas très enclin à vérifier et étayer un information, faisant ainsi preuve d'une certaine paresse intellectuelle dans son rapport à l'information [2].
Comme les réseaux sociaux sont, pour certaines personnes, la source principale d'information, "il est possible qu’un internaute soit enfermé dans une « bulle algorithmique »[...], qui le pousse à ne lire que des contenus partagés par des personnes ayant une tonalité politique et idéologique similaire." [1].
Ainsi, du fait des bulles algorithmiques, l'internaute sait de plus en plus difficilement discerner la « vraie nouvelle » de la « fausse nouvelle ». Et ce d'autant plus que : "Ces bulles enferment les lecteurs dans un « espace cognitif clos » et « confortable », qu’aucune information nouvelle ou différente ne vient concurrencer et qui renforce le biais de confirmation" [2].
En effet, les algorithmes utilisés par les réseaux sociaux ciblent et orientent les publications qui sont proposées aux utilisateurs en fonction de ses réactions sur le réseau social (like, commentaires, publications, ...) qui enferment les utilisateurs dans leurs préférences définies cybernétiquement en fonction de leurs intérêts précédents en renforcent les choix préalables.C'est ainsi que : "Cette mécanique du contenu ciblé peut être détournée au profit de la désinformation. Perméables à l’introduction de fausses informations, les réseaux sociaux peuvent être utilisées par certaines agences d’influence pour orienter et polariser les débats ou diffuser des rumeurs." [1]. La manipulation et l'influence sur les réseaux sociaux s'opèrent au moyen d'outils tels que :
"Trolling" : "(...) les trolls sont des publications provocatrices et non constructives qui s’efforcent de consolider ou de perturber un narratif, en saturant les plateformes de commentaires." [1].
Robot et botnet : "(...) les robots permettent de densifier de manière significative les actions de Trolling. Capables d’imiter les comportements humains, les robots peuvent réagir aux contenus, ainsi que publier des contenus et des commentaires." [1].
Médias officiels: "Certains organes de presse sont en réalité contrôlés et utilisés par des acteurs afin de promouvoir et renforcer leurs narratifs." [1].
Ainsi l'utilisation de robots pour faire du trolling de publication et envoyer des spams permet de focaliser les ressources des candidats ou des partis à devoir les supprimer, ainsi comme en temoigne un hacker allemand : "Même s’ils finissent par toutes les supprimer, cela demande beaucoup de travail et donc mobilise des ressources qui ne peuvent pas être mises ailleurs" [3].
La fabrication d'un robot diffuseur de publication n'est pas chose aisée car, selon le hacker : "chaque compte a une personnalité qui lui est propre, doit développer des interactions et publier du contenu crédible." [3].
La manipulation de l'information peut aller jusqu'à parvenir à modifier un agenda politique ou des objectifs commerciaux d'une entreprise. Ainsi, comme l'explique le hacker : "Si mes robots vont mettre des milliers de likes sur une publication, un parti politique peut penser qu’il s’agit d’un élément important et va contribuer à le mettre en avant" [3].
Le mode de formation de l'opinion des électeurs est donc une question centrale dans le processus de manipulation car les internautes sont peu enclin à recouper, vérifier, et corroborer les informations qu'ils reçoivent. Ce qui fait dire au hacker que : "Le meilleur système ne peut rien pour vous si les citoyens ne réagissent qu’en fonction de leurs émotions. Or, l’architecture même des réseaux sociaux vise précisément à les exacerber." [3].
C'est ainsi que la déstabilisation par voie numérique d’un processus électoral cherche, au travers de ces deux volets que sont le processus électoral et l'opinion des électeurs, à décrédibiliser les autorités publiques, à réduire la confiance de la population envers ses institutions, à snober les candidats ou les partis et à manipuler directement les électeurs.
[1] Amelie Rives, "La déstabilisation des processus électoraux par voie numérique", Observatoire du Monde Cybernétique, 28/02/2020, https://omc.ceis.eu/la-destabilisation-des-processus-electoraux-par-voie-numerique/ [2] Amelie Rives, "La désinformation : « arme de distraction massive »[1]", Observatoire du Monde Cybernétique, 2/09/2019, https://omc.ceis.eu/la-desinformation-arme-de-distraction-massive-1/ [3] Adrien Schnarrenberger, "La démocratie à la merci de robots?", Le Courrier, Rubrique International, 12/02/2020 https://lecourrier.ch/2020/02/12/la-democratie-a-la-merci-de-robots/
Dérive fasciste
La cybernétique et son solutionnisme politique ne nous conduit-il pas vers la mise en place d'un système totalitaire fascisant ?
Le fascisme est "un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d'un idéal collectif suprême.", et qui "s'oppose frontalement à la démocratie parlementaire et au libéralisme traditionnel, et remet en cause l'individualisme codifié par la pensée philosophique des Lumières". (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fascisme)
Michel Freitag, sociologue, nous propose une analyse des dérives fascisantes et totalitaires de notre société cybernétique en mettent en lumière "des correspondances (...) entre la forme “ archaïque ” du totalitarisme (dramatiquement illustrée par le nazisme), et la dimension virtuellement totalitaire qui est impliquée dans le déclin contemporain du politique et des institutions universalistes au profit d’une emprise directe des régulations organisationnelles et systémiques." [1].
Pour Michel Freitag, le déclin de la société contemporaine est dû à la globalisation, et le phénomène totalitaire se rattache à "la crise dans laquelle est entrée la modernité universaliste, libérale et démocratique sous l’effet du développement du capitalisme industriel." [1].
La postmodernité se caractérise, selon Frietag, par la mise en place de nouveaux mode de régulation social, ainsi on voit apparaitre : "l'émergence du nouveau mode systémique de régulation du social qui se substitue progressivement à la dynamique éthico-politique caractéristique de la modernité (...)" [1].
Bien que se défendant du fait que son argumentation aille à l'encontre des idées de progrès continus en matière de liberté que connaissent nos sociétés depuis deux siècles, pour Freitag, le nazisme se situe dans la transition vers la postmodernité et la société post-industrielle.
Le contrôle social est inhérant à toute société, et : "Il y a du contrôle social dans toutes les sociétés, dans la mesure où il n’y a pas de société sans que les pratiques sociales ne soient, de quelque manière, intégrées ou coordonnées les unes aux autres. Tout vivre-ensemble oblige à un minimum d’entente sur le bien, le juste, le raisonnable, ou à tout le moins sur certaines manières communément acceptées ou légitimement imposées d’intégrer les interprétations contradictoires de ces valeurs régulatrices du flux des rapports sociaux." [1].
Ainsi, Freitag divise les sociétés humaines en quatre grands " idéaux-types" : les sociétés archaïques, traditionnelles, modernes et postmodernes [1].
Les sociétés archaïques se nourrisent d'un Mythe originel pour définir leur réalité actuelle et le sens qu'elles donnent aux choses en les rapportant à des interprétations symboliques. Le contrôle social s'exerce au travers de "l'intégration à une culture particulière qui se présente néanmoins comme le langage même du monde instauré par l’acte primordial et à laquelle participe tout ce qui existe en sa nature propre." [1].
Les sociétés traditionnelles sont, quand à elles, structurées verticalement autour d'une logique d'unité qui "se projette idéologiquement dans l’unité d’un principe supérieur dont découle toute existence", avec une "partition du monde entre un monde humain et un monde de l’au-delà." [1].
La modernité verra la bourgeoisie fondée sur la production marchande s'émanciper des cadres hiérarchiques et autoritaires de la société d’ordre médiévale, et le principe de la Raison et de l'Etat devenir la source de légitimité intérieure et du pouvoir. Ce qui conduira la modernité bourgeoise à des luttes d'émancipation contre la tradition au travers de : "la théorie du contrat social, la doctrine du droit naturel subjectif, la mise en œuvre des principes de la liberté et de l’égalité dans la reconnaissance de l’autonomie contractuelle et de la responsabilité civile des individus." [1].
Ainsi, pour Freitag : "Dans la modernité, il y a donc une construction consciente du sens qui anime et justifie l’ordre social; pour la première fois, s’affirme et se justifie une capacité proprement humaine de fixation des règles qui régissent l’agir en commun et donc la production de l’ordre social, une capacité qui s’extériorise explicitement dans la société sous la forme de la capacité législative que le peuple s’est appropriée au nom de la raison, et sous celle de l’État de droit dans lequel il a investi son pouvoir et auquel il se soumet dès lors librement." [1].
Dans la postmodernité, pour Freitag : "Ce qui forme maintenant la réalité qui nous entoure et nous submerge de plus en plus massivement, ce n’est plus la nature d’un côté, et les structures signifiantes de l’action humaine de l’autre : ce sont des fonctionnements systémiques qui opèrent en étant directement branchés les uns aux autres de manière informatique et cybernétique." [1].
La société automatique, par Bernard Stiegler - InriaChannel
Et dans cet univers systèmique et cybernétique, la logique des modalités du fonctionnement de celui-ci est : "celle de l’effectivité et de la puissance, celle de l’accroissement illimité de leur emprise et de leur autoreproduction sans finalité." [1].
Ainsi, selon Freitag : "Au principe de l’accomplissement de la liberté de tous dans des institutions communes, s’est substituée l’emprise directe des techniques organisationnelles et gestionnaires sur l’ensemble des interactions que nous entretenons inévitablement entre nous et avec la nature qui nous environne mais qui aussi nous comprend." [1].
Les mécanismes de contrôle ont donc pris le pas sur la recherche d'une organisation du commun et des libertés c'est ainsi que : "se mettent en place tous les jours des mécanismes et des procédures de contrôle de plus en plus raffinés, dont les opérations ne poursuivent aucune autre finalité que celle de continuer à “ faire marcher les choses comme elles vont ”." [1].
Et Freitag de nous rappeller que : "C’est sur la défaite du monde commun que s’instaure le totalitarisme, et c’est elle qu’il reproduit en élargissant sans cesse l’empire envahissant du non-sens. Pour lui résister, il faut reconquérir la liberté de penser les idées du vrai, du juste et du beau, et recommencer à nous affronter sérieusement à leur sujet, puisque ce sont elles qui définissent le sens du monde commun et la valeur de la liberté de ceux qui y participent." [1].
Ainsi, selon Freigat : "Avec la postmodernité, on peut dire qu’on passe d’un monde où la société est organisée politiquement à un monde immédiatement opérationnel, systémique, qui fonctionne idéalement ou virtuellement tout seul par la mise en réseau et le branchement (informatisé) de tous les systèmes de contrôle les uns sur les autres, les objectifs et les “ outputs ” des uns devenant automatiquement les ressources et les “ inputs ” des autres, en l’absence de toute finalisation d’ensemble." [1].
Notre société ne dérive-t-elle pas vers de l'archaïco-postmodernisme en détricotant les acquis de la modernité pour instaurer un monde de solutions systèmiques informatisées sans plus se poser les questions du pourquoi ?
Le capitalisme industriel s'est développé après la fin de ce que Freitag appelle le "monde bourgeois", le "tiers état" constitué des petits producteurs dans l’économie de marché. C'est de ce "monde bourgeois" basé sur l’autonomie morale des individus que sont issues : "les institutions universalistes modernes, les idéaux des Lumières, l’État de droit, le projet démocratique et les garanties constitutionnelles." [1].
Le système capitaliste industriel va se développer à partir de l’entreprise industrielle fondée sur "le droit universel de la propriété et elle est donc comme telle fondée sur l’autonomie réciproque de l’entrepreneur et du travailleur, leur rapport étant défini par le contrat de travail qu’ils concluent entre eux en tant que libres sujets." [1].
Mais, selon Freitag, ce n'est dans cette nouvelle forme de rapport salarial que se situe la rupture d'avec la modernité du monde bourgeois, mais c'est : "Seulement, une fois conclu le contrat de travail, le procès de production lui-même, qui se déroule à l’intérieur de l’entreprise (ce que Marx appelait la conversion de la force de travail en travail utile ou productif), s’opère selon un mode qui n’a plus rien à voir avec les principes modernes de la liberté, de l’égalité contractuelle et de la responsabilité personnelle. Dans l’entreprise, le travailleur tombe sous le dominium direct du patron." [1].
C'est ainsi que : "Dans les faits comme en droit, le capitalisme industriel, laissé à lui-même sous l’égide du droit de propriété et du dominium patronal, conduisait donc, systématiquement, à la négation de tout l’idéal progressiste des Lumières pour la majorité de la population." [1].
Le nouveau monde ouvrier s'organisera pour donner naissance aux syndicats et aux partis politiques ouvriers, qui conduira à l’État-Providence et au nouveau rapport salarial basé sur les conventions collectives. Ainsi, pour Freitag, c'est développée une nouvelle forme de régulation de la société : "le mode de régulation décisionnel, opérationnel, pragmatique et gestionnaire." [1].
Ce nouveau mode de régulation va donc permettre le déploiement de systèmes autorégulateurs, comme le marché, qui prendront la place de l'Etat : "en tant que modalité ultime d’orientation du développement économique, technologique, scientifique, culturel et même éducationnel." [1].
La montée de l'idéologie de crise, qui fut mobilisée par le mouvement Nazi dans les pays où l'ancrage des forces sociales dans le système des institutions et de médiation juridique et politique était le plus faible, s'est développée dans "les milieux politiques libéraux, conservateurs et socialistes, qui étaient toutes caractérisées par la mise en doute radical de l’idéalisme des Lumières et qui avaient en commun un pessimisme confinant au cynisme et au nihilisme ainsi qu’une fascination pour l’idéologie scientiste et ultra-positiviste." [1].
Selon Freitag, la transition entre la modernité et la post-modernité est à chercher dans la montée du positivisme scientiste et du darwinisme social du 19ème sciècle où "la volonté de puissance a remplacé l’exigence de la Raison, son affirmation inconditionnelle en tant que condition de survie s’est substituée au projet de la construction d’institutions justes et harmonieuses." [1].
Le mouvement Nazi va se baser sur un principe (le principe de la Gleichschaltung) de "mise au pas" répressif ou de "mécanisation, d'automatisation" de toutes les structures hiérarchiques et dans tous les domaines de la vie sociale. Ainsi : "Le "système" nazi a pour caractéristique de nier ontologiquement toute reconnaissance de l’altérité en la substantialisant. Aussi l’altérité devient-elle immédiatement une menace à l’identité elle aussi substantielle, une menace qu’il faut supprimer de manière également substantielle." [1].
Ainsi, le système Nazi avait pour objectif de ne faire que de réaliser un programme qui n'avait d'autre buts que lui-même : "Il s’agit d’une entière autonomisation de l’efficience, par delà toute référence de légitimation portant sur les fins, par delà tout jugement comportant la reconnaissance de la réalité." [1].
Pour Frietag, le système Nazi n'était plus qu'un programme auto-démonstratif et auto-référentielle, ainsi : "Lorsque l’application du programme est devenue la finalité dernière, sa continuation indéfinie devient aussi un procès illimité et l’horizon “ infini ” dans lequel il inscrit la pratique effective se substitue à l’idéalité purement formelle des finalités transcendantes.(...) C’est ce caractère purement programmatique qui représente la logique profonde du nazisme." [1].
Cette logique programmatique est similaire, selon Freitag à la logique de croissance actuelle et de la globalisation : "Mais c’est encore une logique de même nature qui régit actuellement la croissance auto-référentielle illimitée de l’économie, des technologies, des systèmes de communication, bref, qui régit la globalisation." [1].
Depuis deux siècles, les social-démocraties en Europe verront l'efficacité pragmatique prendre le pas sur le principe moderne d’universalisme et de légalité, ainsi : "Les social-démocraties européennes se retrouveront donc, par un long détour de nature politique, sur le même terrain que les États-Unis, qui est celui de la décomposition du politique dans la gestion et le contrôle pragmatiques." [1].
Ainsi pour Frietag : "C’est donc sous leur influence [les États-Unis] déterminante, tant au point de vue économique que politique, culturel et militaire, que la logique de régulation systémique s’impose maintenant dans tous les pays (...)" [1].
Pour Freitag, il existe un menace totalitaire dans cette logique de régulation systèmique car elle ne tient plus compte de la réalité, ainsi : "le caractère autoréférenciel qu’y acquiert l’accroissement marginal (par exemple le taux de profit) est de nature exponentielle et qu’il implique la négation de toute l’autonomie ontologique de la réalité extérieure et donc la négation du principe de réalité." [1].
Ainsi pour Freitag : "Si la société actuelle peut être définie comme une société unidimensionnelle, c’est qu’elle aussi développe sans limite les potentialités sur lesquelles a misé le totalitarisme nazi. Chez elle également, les systèmes de gestion et de contrôle direct ne respectent plus les êtres qu’ils s’approprient. Ils transforment tout ce qui existe en leur propre effet ou produit immédiat." [1].
Cette ainsi que pour Freitag : "Cette négation du réel est bien illustrée par le déploiement de la réalité “ virtuelle ” cybernétisée. De manière plus tragique, l’approche purement technologique de la réalité a envahi aussi le politique, où le contrôle s’est substitué au pouvoir et où les systèmes de gestion opérationnels ont remplacé les institutions qui régissaient encore la pratique par le sens et les valeurs transcendantales qui y étaient investies." [1].
Et d'ajouter que : "La régulation systémique n’exerce plus, comme le politique, une emprise collective réfléchie et indirecte sur la réalité des pratiques. Le nouveau mode de régulation produit la substance même d’une nouvelle réalité qui n’est plus sociale ni naturelle et qui n’a plus d’autre consistance que la dynamique exponentielle à laquelle tous les sujets, pour “ rester dans le coup ”, doivent incessamment s’adapter de manière compulsive." [1].
Ainsi pour Freitag : "Là où le politique moderne créait le risque d’un despotisme, le systémisme programmatique contemporain conduit vers la dissolution de l’autonomie de toute action, vers la dissolution de toute identité individuelle et collective ancrée dans une histoire et une expérience du monde particulières.", et de conclure que : "il est tout aussi évident que l’on retrouve dans la société actuelle, sous une forme certes plus diffuse mais peut-être plus effective, le même délire de puissance qui avait caractérisé les totalitarismes historiques." [1].
[1] Michel Freitag, "De la terreur nazie au meilleur des mondes cybernétique : Réflexions sociologiques sur les tendances totalitaires de notre époque", Argument : vol. 5 no.1 Automne 2002 - Hiver 2003, http://www.revueargument.ca/article/2002-10-01/214-de-la-terreur-nazie-au-meilleur-des-mondes-cybernetique.html
Manipulation des masses
Noam Chomsky a identifié 10 stratégies de manipulation des masses susceptibles d'être utilisées tant par les médias, le monde économique que par le politique.
1) La stratégie de la distraction : en détournant l’attention du public des problèmes importants (économiques, politiques,...) et des connaissances essentielles avec un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. 2) Créer des problèmes, puis offrir des solutions : pour que le public soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. 3) La stratégie de la dégradation : en appliquant de manière graduelle sur une longue durée des mesures sensées être inacceptables à priori par le public. 4) La stratégie du différé : en obtenant l’accord du public sur un effort à faire dans le présent pour une application dans le futur de celui-ci. 5) S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge : en infantilisant le public pour jouer sur sa suggestibilité.
Noam Chomsky - Les dix stratégies de manipulation des masses - Rava Bakou Officiel
6) Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion : technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle et critique. 7) Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise : en appauvrissant le niveau d'éducation pour creuser le fossé entre les classes sociales. 8) Encourager le public à se complaire dans la médiocrité : en favorisant la vulgarité, la bétise,... 9) Remplacer la révolte par la culpabilité : en culpabilisant l'individu le rendant responsable de sa situation et en le mettant dans un était dépressif et inhibititoire à l’action. 10) Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes : par les progrès scientifiques au service des élites dirigeantes afin d'avoir la connaissance la plus fine du public.
La "politique" c'est l'art de faire en sorte que "tout le monde" trouve cela normal
Fabrique de l'opinion publique 1-9 Manufacturing Consent
Fabrique de l'opinion publique 2-9 Manufacturing Consent
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